Le parcours de soins des patients fractionné en raison de pratiques commerciales interdites

Depuis les années 2000, de plus en plus de patients se voient prescrire des médicaments que l’on qualifie de spécialité. La plupart de ces traitements sont très coûteux et certains peuvent nécessiter des soins ou suivis particuliers, notamment pour en assurer leur administration (par exemple une injection).

Pour plusieurs de ces médicaments, des programmes de soutien aux patients (PSP) ont été mis sur pied par leurs fabricants afin de faciliter l’aide au remboursement et l’aide financière lorsque requis pour le patient ou encore pour offrir des services pour le suivi de la thérapie.

Toutefois, des pratiques interdites qui vont à l’encontre des droits des patients se sont installées au fil des années.

En effet, au moment de se faire prescrire leur médication, les patients, souvent en situation de grande vulnérabilité, sont dirigés vers des pharmacies dites « de spécialité » par le biais du PSP qui entretient des relations préférentielles avec une poignée de pharmacies et autres tiers, ce qui est pourtant interdit par les lois et règlements en vigueur. Aucun intervenant ne peut imposer un choix de pharmacie ou exercer une pression sur un patient : fabricant, clinique de perfusion, médecin, pharmacien, assureur ou employeur[1].

Les pharmaciens développent leur offre de services pour prendre en charge l’ensemble de la thérapie pharmacologique de leurs patients ou du moins pouvoir la coordonner en ayant en main l’ensemble du dossier. C’est beaucoup plus fluide pour le patient et ça permet une meilleure coordination des soins.  

« Avec mon pharmacien habituel, je bénéficie d’un service bien plus personnalisé, car il connaît l’ensemble de ma condition de santé et mon historique. C’est mon pharmacien qui me conseille quand j’ai besoin d’antibiotiques, vu mon immunosuppression, ou quand ma tension artérielle est trop élevée. Les gens qui, comme moi, doivent vivre avec une maladie chronique et qui sont dans un état de grande vulnérabilité, peuvent garder le contrôle sur leur thérapie et sur leur vie, malgré ce qui peut être dit par certains groupes ou individus. Et cela débute par le choix de la pharmacie où nous souhaitons recevoir nos médicaments » – Isabelle, patiente atteinte deux maladies auto-immunes, dont la maladie de Crohn 

« Le fractionnement des soins des patients est complètement incohérent. Les 7 000 pharmaciens au Québec et leurs équipes ont eux aussi la capacité et les habiletés pour bien servir leurs patients. Ils sont largement présents dans toutes les régions et sont facilement accessibles, en toute proximité. Nous répondons aux patients, quotidiennement, et c’est nous qui sommes là pour tous les besoins, petits et grands. » – Judith Choquette, pharmacienne propriétaire à Longueuil 

Au Québec, le droit de propriété exclusif des pharmaciens est un concept unique qui permet aux pharmaciens de posséder et de gérer leur propre pharmacie. Ce droit exclusif est un mécanisme de protection qui assure que l’intérêt des patients est au cœur des décisions du pharmacien.

En garantissant l’indépendance professionnelle des pharmaciens, il permet une représentativité territoriale plus large, favorisant l’accès à un professionnel de première ligne pour la population partout au Québec. Ainsi, plusieurs dispositions de la loi et du code de déontologie des pharmaciens contribuent à faire de la pharmacie québécoise une des plus avancées et des plus avantageuses pour les patients.

Les 1900 pharmacies, présentes dans toutes les régions du Québec, sont donc un pilier pour le réseau de la santé. Ce sont 7000 pharmaciens (4900 pharmaciennes et les 2100 pharmaciens), répartis au cœur des communautés, qui agissent auprès des patients. Ces professionnels accessibles, experts du médicament, ont développé leur pratique autour des besoins de leurs patients.

Malheureusement, les pratiques commerciales interdites entre la poignée de pharmacies dites « de spécialité » et certains programmes de soutien aux patients créent des circuits fermés qui empêchent l’ensemble des pharmaciens communautaires de jouer pleinement leur rôle et de servir leurs patients efficacement.

Pour demeurer ouverts et accessibles, les pharmaciennes et les pharmaciens doivent pourtant organiser leur offre de services en fonction des besoins évolutifs des patients. Et ces médicaments de spécialité sont des thérapies en pleine croissance!

Il est donc essentiel que les pharmacies communautaires du Québec aient accès sans contraintes aux produits de spécialité, qui sont l’avenir des thérapies médicamenteuses. Aucune pharmacie et aucun grossiste, fabricant ou programme de soutien aux patients ne devrait entraver le travail du pharmacien ou interférer dans le droit du patient de choisir son pharmacien.

Pour plus d’information sur les programmes de soutien aux patients ou l’aide financière, il est possible de consulter ici un feuillet explicatif.  

Saviez-vous qu’un petit groupe d’individus, aux côtés de certains joueurs de l’industrie pharmaceutique (certains fabricants et leurs programmes de soutien aux patients), ont recours à des stratégies non conformes qui contreviennent à la Loi sur l’assurance médicaments et au Code de déontologie des pharmaciens et qui leur permettent d’accaparer la majorité du marché des médicaments de spécialité?

En effet, six pharmacies dites de spécialité se partagent 40 %* du marché des médicaments de spécialité au Québec. Cette situation menace la pérennité du réseau des pharmacies au Québec en complexifiant le parcours de soins du patient et en réservant les profits qui en découlent à une poignée de pharmaciens.

Les quelques 1 900 autres pharmacies pourraient bénéficier d’une part de ces revenus pour contribuer au maintien ou à l’amélioration des services offerts en première ligne aux patients.

Au moment où le gouvernement du Québec s’apprête à élargir à nouveau le champ d’action des pharmaciens en première ligne de soins avec le projet de loi 67, il est important d’assurer la vitalité du réseau de pharmacies de proximité que nous connaissons aujourd’hui, présent dans toutes les régions et les communautés du Québec.

*Patients couverts par la RAMQ pour l’année 2023-2024

Action collective 

En raison de pratiques commerciales interdites et fautives perpétrées par certains groupes et individus, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a déposé une demande d’autorisation d’intenter une action collective contre dix de ses membres pharmaciennes et pharmaciens propriétaires de six pharmacies, contre trois gestionnaires de programmes de soutien aux patients (PSP), ainsi que trois réseaux de cliniques de perfusion. Cliquez ici pour en savoir plus.

Pour dénoncer une situation où les lois et les règlements ne sont pas respectés et où vous subissez des pressions afin d’obtenir un service auprès d’une pharmacie que vous n’avez pas choisie, il est possible de contacter votre pharmacien ou encore la RAMQ aux coordonnées suivantes :

SITE INTERNET  

Dénoncer une personne ou une situation | Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) (gouv.qc.ca) 

Consulter le site internet de la RAMQ sous la section « Dénonciation », accessible au bas de la page sous « Vos droits ».  

TÉLÉPHONE  

1 877 858-2242  

POSTE   

Régie de l’assurance maladie du Québec Dénonciation C. P. 6600, succ. Terminus Québec (Québec) G1K 7T3 


[1] Ces actes sont contraires au Code de déontologie des pharmaciens (chapitre P-10, R. 7) et à celui des médecins (chapitre M-9, r.17, art. 27), en plus de contrevenir à la Loi sur l’assurance maladie (chapitre A-29, art. 2). 

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