À l’urgence pour un ongle incarné

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Le quotidien Le Soleil nous apprenait tout récemment que les patients de la région de Québec – dont la condition est non urgente – préfèrent attendre des heures à l’urgence de l’hôpital plutôt que de consulter leur médecin de famille qu’ils pourraient pourtant voir le jour même ou le lendemain en clinique médicale. À tel point que sur les 865 plages de rendez-vous rendues disponibles en clinique, seulement 15 ont été utilisées par des patients référés par les infirmières de l’urgence.

Ces données, à la fois étonnantes et troublantes, proviennent d’un projet pilote visant à désengorger l’urgence de l’hôpital Chauveau, en collaboration avec le groupe de médecine familiale (GMF) de la Clinique médicale Val-Bélair. Selon le Centre intégré en santé et en services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale, 13 % des 35 000 visites annuelles aux urgences de l’hôpital Chauveau sont des cas dits « P-5 » qui ne constituent aucunement des urgences.

Ces nouvelles données viennent renforcer la pertinence des demandes de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) qui souhaite voir ses membres poser davantage d’actes médicaux en première ligne au bénéfice des patients. L’AQPP se réjouit d’ailleurs des propos de la ministre de la Santé, Danielle McCann, qui parle elle aussi de la nécessité de décloisonner les pratiques actuelles afin de permettre à certains professionnels de la santé – notamment le personnel des urgences – de voir plus rapidement les patients qui en ont le plus besoin. Nous partageons un objectif commun : éviter que les patients qui éprouvent des problèmes mineurs se retrouvent inutilement à l’urgence.

À titre d’exemple, le Québec, en plus d’être le seul endroit en Amérique du Nord où les pharmaciens ne vaccinent pas, affiche le taux de vaccination contre la grippe le plus faible au pays avec une proportion d’à peine 24 % de la population qui se fait vacciner. Voilà pourquoi les pharmaciens communautaires souhaitent pouvoir procéder à la vaccination, au bénéfice des patients.

De plus, la clientèle la plus difficile à rejoindre et qui se fait le moins vacciner est celle des gens actifs atteints de maladies chroniques. Comme cette clientèle vient à la pharmacie à tous les mois, les pharmaciens pourraient vacciner ces patients non seulement contre l’influenza, mais aussi contre le zona et le pneumocoque, entre autres, alors que le Québec présente également de très mauvais chiffres en ce qui concerne le pneumocoque.

Les quelque 2 000 pharmaciens communautaires qui pratiquent partout au Québec constituent autant de portes d’entrée à une première ligne de soins de santé plus efficace, un besoin pressant reconnu par tous. Une étude indépendante réalisée par des chercheurs du CIRANO, du CRCHUM et de HEC Montréal, a d’ailleurs démontré plus tôt cette année que les pharmaciens communautaires jouent un rôle de premier plan en offrant un accès immédiat à des soins de première ligne. Pour 77 % des patients ayant eu recours à une consultation, la visite en pharmacie constituait la première option. Ainsi, pour plus des trois quarts de ces patients, aucune autre ressource n’avait été consultée avant. De plus, 19 % des patients répondants ont tenté de consulter un autre professionnel de la santé au préalable, 82 % d’entre eux ont réussi à rejoindre cet autre professionnel et ont voulu consulter tout de même le pharmacien pour plus d’informations.

L’AQPP tient à saluer l’esprit dans lequel la ministre de la Santé amorce son mandat et à lui offrir son entière collaboration afin d’accélérer le travail en cours pour adapter la pratique des pharmaciens communautaires à la nouvelle réalité imposée par la nécessité de mieux servir les patients québécois en termes d’accès et d’efficacité des soins de santé. Nous sommes convaincus que les démarches en cours pour revoir leur mode de rémunération permettront de refléter leur rôle accru en matière de conseil en santé, rôle qui va bien au-delà de celui de simple distributeur.

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